Plusieurs affaires en cours le rappellent, la corruption dans les marchés publics, même largement minoritaire, a la vie dure. Si la relation entre les entreprises et les collectivités peut évoluer dans un cercle vertueux, mieux vaut bien en connaître les contours.
Une quarantaine de condamnations sont prononcées chaque année en France pour des faits de corruption sur des décideurs locaux. « Il existe une véritable omerta concernant la corruption dans les marchés publics.
Il faut mener une bataille pour faire disparaître cette pratique, toujours taboue et occultée », dénonce un conseiller maître à la Cour des comptes. « La majorité des acheteurs publics sont honnêtes et scrupuleux. Mais les marchés publics représentent un enjeu économique considérable : 120 à 150 milliards d'euros annuels ! Il existe des secteurs plus "risqués" que d'autres : armement, bâtiment travaux publics, eau, déchets...
Reste qu'il n'est pas toujours évident de situer la ligne rouge... L'article L 432-11 1° du Code pénal précise qu'est puni de dix ans de prison et 150.000 euros d'amende le trafic d'influence, c'est-à-dire les « offres, promesses, dons, présents ou avantages quelconques » sollicités ou réclamés par une personne dépositaire de l'autorité publique. Les mêmes peines sont encourues par les personnes qui proposent ou procurent ces « offres, promesse, etc. ». Il est ainsi évident que sont répréhensibles les propositions d'argent liquide ou présents de grande valeur. Mais quid de toutes ces pratiques destinées à « entretenir de bonnes relations d'affaires » : invitations à déjeuner, à des événements sportifs, voyages, bouteille en début d'année... ?
Usage et valeur des cadeaux
Les tribunaux établissent une distinction entre cadeaux d'usage et cadeaux de valeur. Les premiers concernent des présents ou invitations de faible montant , parfois moins de 50 euros : chocolats, fleurs, agendas, objets publicitaires (stylos, porte-clefs, invitation à boire un café, etc.
.Ces dons ne sont pas assimilés par les juges à de la corruption. A l'inverse, bouteilles de vins, bijoux et bien sûr espèces font courir le risque d'une condamnation... L'interdiction est valable qu'il s'agisse de cadeaux achetés par l'entreprise ou de biens lui appartenant. Ainsi, un pépiniériste qui gérait les arbres d'une commune a été condamné pour corruption et abus de bien social pour avoir fourni quatre arbres au maire. Il n'est pas, en effet, dans l'objet social de l'entreprise de faire des cadeaux. Les invitations à des manifestations sportives ou à des spectacles, et les voyages, sont également dangereux.
Nouvelles pratiques
Corruption passive ». des marchés publics en échange de repas gastronomiques et de voyages à New York et en Bourgogne. Les procédés de corruption avec enveloppe d'argent liquide sont en régression, voire disparition.
Beaucoup de montages se font en nature aujourd'hui : invitations régulières, plusieurs fois par an, à des grands matchs au stade de France et à Roland-Garros ou à des spectacles. Certaines entreprises sont de véritables spécialistes de ce type de relation. Des "bonnes relations" qui se poursuivent au moment d'établir l'appel d'offres qui va être "travaillé" avec l'entreprise sortante. Cela fausse totalement la concurrence. Des pratiques auxquelles les juges sont sensibilisés, et plus particulièrement pendant les périodes de sélection des entreprises.
Des mesures de précaution assez simples:
Dès lors qu'il est question d'un cadeau, le risque de prise illégale d'intérêt pour l'élu ou d'abus de bien social pour l'entreprise est réel. Mails il existe des mesures de précautions assez simples. L'une des plus efficaces est de "collectiviser" le cadeau. Si un élu reçoit un présent qui semble présenter un peu de valeur, il peut remercier l'entreprise par une belle lettre en précisant que le bien sera remis, par exemple, au comité des oeuvres sociales de la Ville ( CCAS). S'il s'agit d'un séjour dans un château on peut pré"voir qu'il représentera le premier prix d'une tombola organisée en faveur dudit CCAS , etc ...