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Patrimoine privé et professionnel


Comment concilier protection du patrimoine privé et du patrimoine de l'entreprise ? Ce qu'il faut savoir pour éviter les mauvaises surprises.

Le patrimoine professionnel est bien souvent la principale composante du patrimoine du chef d'entreprise. « Il constitue à la fois une opportunité et une menace pour son patrimoine personnel. Une opportunité parce qu'il est une source d'enrichissement importante, via des flux réguliers (rémunération, dividendes), le point d'orgue étant la transmission de l'entreprise. Mais aussi une menace si les affaires tournent mal », explique Jean Prieur, président d'honneur de la Fédération nationale du patrimoine. Comment protéger son patrimoine privé des aléas de l'entreprise ? Quels outils utiliser ?

Pour les chefs d'entreprise à la tête d'une entreprise individuelle, la question ne se pose plus aujourd'hui dans les mêmes termes qu'hier. 

Depuis la loi Macron du 6 août 2015, la résidence principale des entrepreneurs individuels est insaisissable de plein droit et ils peuvent - même si en pratique très peu d'entre eux utilisent cette possibilité - déclarer leurs autres biens immobiliers non affectés à leur activité professionnelle insaisissables.

Le projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante en cours de discussion marque un pas de plus en prévoyant de protéger par défaut leur patrimoine personnel, sans démarche de leur part. En revanche, la question est loin d'être réglée pour les dirigeants de société, même si dans les sociétés de capitaux (SA, SAS, SARL) leur responsabilité est en principe limitée au montant de leurs apports. Mais le recours quasi systématique de la part des établissements de crédit à la caution du dirigeant atténue fortement ce principe.

En outre, en cas de procédure collective, si le dirigeant est reconnu coupable d'une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, il peut être condamné à supporter tout ou partie des dettes de la société sur ses biens personnels. Or les dirigeants ne peuvent pas, à la différence des entrepreneurs individuels, bénéficier de l'insaisissabilité de plein droit de leur résidence principale.

Le bon régime matrimonial

Pour éviter qu'à l'échec d'une entreprise succède l'échec d'une vie et écarter les menaces que le patrimoine professionnel fait peser sur le patrimoine privé du dirigeant, il faut mettre en place un bouclier patrimonial. Cela passe d'abord par le choix d'un régime matrimonial approprié. Mais il faut le faire quand tout va bien… pas quand l'incendie s'est déjà déclaré pour ne pas être accusé d'organiser sa propre insolvabilité .

L'adoption du régime de la séparation de biens permet de mettre les biens de son conjoint à l'abri de ses créanciers professionnels. Mais elle se heurte bien souvent à la poursuite de deux objectifs contradictoires : isoler certains biens des créanciers professionnels et permettre aux époux de profiter tous les deux de l'accroissement du patrimoine professionnel du dirigeant.

L'adjonction d'une société d'acquêts règle partiellement la question en permettant d'introduire une dose de communauté tout en préservant les biens propres de l'époux du chef d'entreprise. Mais elle met une partie du patrimoine en risque tant que le chef d'entreprise est encore en activité.

Hybride, le régime de la participation aux acquêts offre sans aucun doute une meilleure protection. Il fonctionne comme le régime de séparation de biens pendant le mariage : les créanciers professionnels ne peuvent agir que contre les biens personnels de l'entrepreneur. Mais à la liquidation, qu'elle résulte du divorce ou du décès d'un des époux, ce régime se transforme en quelque sorte en un régime communautaire, puisque l'époux qui s'est le moins enrichi a le droit à une créance de participation.

On peut ensuite protéger son patrimoine privé en privilégiant des actifs insaisissables par les créanciers, comme l'assurance-vie ou la tontine par exemple, ou en mettant en place une organisation rendant le patrimoine difficilement saisissable. Cela peut passer par la création d'une société civile pour y loger sa résidence principale ou secondaire. Car si les parts sociales sont en théorie saisissables, en pratique c'est très compliqué.

La question de la propriété des locaux de l'entreprise

Quant à la question de savoir s'il faut acquérir ses locaux professionnels, tout dépend des priorités du chef d'entreprise. Si l'entreprise est en pleine croissance, il est généralement plus rentable de mobiliser ses ressources pour financer le développement de son activité plutôt que pour réaliser un investissement immobilier.

Une fois cette question tranchée, le chef d'entreprise devra se demander s'il est préférable d'inscrire ses locaux d'exploitation au bilan de sa société ou de les détenir dans une structure à part - une société civile immobilière (SCI) dont il sera l'associé majoritaire - qui les donnera en location à sa société d'exploitation.

Ce type d'organisation permet de mettre l'immobilier à l'écart des éventuelles difficultés de l'entreprise et à l'abri de ses créanciers, à l'instar d'une SCI destinée à loger sa résidence principale et/ou secondaire. Encore faut-il pour cela qu'il n'y ait pas de confusion de patrimoine entre la SCI et la société d'exploitation ! Pour que la protection joue à plein en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, il faut prendre un certain nombre de précautions, et notamment veiller à ce que le loyer corresponde au prix du marché.

« Pour des locaux industriels atypiques, on peut soumettre le projet de bail au commissaire aux comptes de l'entreprise ou encore déposer une requête au président du tribunal de commerce pour qu'il désigne un expert fixant le loyer. Ce loyer judiciairement fixé sera incontestable », suggère Jean Prieur. Autre intérêt de séparer l'immobilier de l'entreprise dans une perspective retraite : cela permet de se constituer un patrimoine privé assurant un complément de revenus. Il sera aussi possible de le revendre en cas de besoin.

La constitution d'une SCI peut également faciliter la transmission familiale  de l’entreprise  , l'immobilier pouvant être donné aux enfants non repreneurs, voire de préparer et faciliter la revente de l’entreprise à un tiers. Selon les circonstances, le repreneur pourra se porter acquéreur de l'entreprise et des locaux d'exploitation ou seulement de l'entreprise.

Si la détention de l'immobilier au travers d'une SCI offre plein d'avantages lorsqu'il s'agit de locaux fonctionnels et bien placés, elle peut devenir un cauchemar pour des locaux industriels ou un entrepôt situé en pleine campagne. Le risque est que le repreneur ne convoite que la part de marché et que le chef d'entreprise se retrouve avec une usine désaffectée sur les bras. Avec au bout du compte un actif qui risque de se transformer en passif si le chef d'entreprise est contraint de dépolluer le site .

 


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