« Errare humanum est, sed perseverare diabolicum » Étude de cas : KODAK
Plus qu’une expression, « l’erreur est humaine » est un proverbe français tiré du latin.
Il s’agit d’une traduction de la locution latine « errare humanum est » qui traduit littéralement veut dire « se tromper est humain ». Il s’agit d’une version raccourcie de la locution « errare humanum est, perseverare diabolicum » ou « se tromper est humain, persévérer est diabolique ». Cette expression est souvent attribuée à Sénèque, mais cela n’est pas attesté. Tite-Live et Cicéron ont aussi émis des affirmations similaires. Mais encore une fois c’est une erreur de traduction, Cicéron se serait inspiré d’une pièce d’Euripide écrite en l’An400 av. JC.
Bref, nous sommes en plein cœur du sujet : l’Erreur…
Cette expression signifie qu’il est normal de faire des erreurs. Elle est donc souvent utilisée pour atténuer ou excuser l’erreur de quelqu’un.
Depuis l’apparition d’une forme de vie unicellulaire sur notre planète il y a 3,5 milliards d’années, l’erreur est au cœur de l’évolution. Dès le départ, l’erreur a guidé l’évolution dans un mode binaire : erreur – solution, en clair s’adapter ou disparaître. La nature a développé un arsenal considérable de solution. Elle avait le temps et ne s’est jamais encombrée de considérations morales ou éthiques.
L’évolution humaine n’a pas échappé à cette dure règle. Cependant, nos ancêtres ont très vite compris que le résultat de leurs actes ou de leurs projets n’aboutissait pas forcément au résultat attendu. Lorsque l’on taille un silex pour en faire une pointe de flèche on apprend très vite que si on ne place pas ses doigts au bon endroit, ça peut avoir des conséquences douloureuses.
Pendant des millénaires, l’erreur a été considérée comme une fatalité. Les forces en jeux restaient modestes, les conséquences aussi. Et puis tout s’est considérablement accéléré en l’espace de 200 ans, depuis la révolution industrielle. Les vitesses, les forces et les énergies ont changé d’échelle de façon exponentielle.
La connaissance honnête et objective de ses capacités, de son domaine de compétence ou de ses lacunes sont les meilleurs remparts contre l’erreur. Il appartient à chacun d’entre nous de se montrer responsable, d’identifier nos limites, de les améliorer, de les entretenir et de les consolider par un entrainement efficace et rigoureux. Restons honnête intellectuellement, ne nous leurrons plus et adaptons-nous sous peine de disparaître !
L'ERREUR DE CONCEPTION
Des produits n'ont pas eu le succès attendu auprès des consommateurs. Parmi les raison qui expliquent leurs échecs: une inadéquation aux besoins du marché ou l'absence de réelle innovation.
Si Échouer est un art, il faut en user avec modération sous peine de disparaitre.
L’importance de l’innovation et de l’adaptabilité
L’innovation et l’adaptabilité sont essentielles. Pour qu’une entreprise non seulement survive mais prospère, elle doit être capable de naviguer les changements de paradigme avec aisance et vision.
L’innovation pousse les entrepreneurs à remettre constamment en question le statu quo et à chercher des moyens de faire mieux, plus rapidement et de façon plus créative. C’est l’innovation qui propulse une entreprise vers l’avant, la distinguant de ses concurrents et lui forgeant une place de choix sur le marché.
Quant à la capacité d’adaptation, elle est la réponse naturelle aux vents changeants du marché. Les entreprises qui réussissent sont celles qui savent pivoter au bon moment, qui reconnaissent quand une stratégie ne fonctionne plus et qui ont la souplesse nécessaire pour adopter de nouvelles approches. Cette agilité stratégique permet non seulement de survivre aux crises, mais aussi de les transformer en opportunités.
La diversification des affaires est une autre facette de l’adaptabilité. En ne mettant pas tous ses œufs dans le même panier, un entrepreneur peut atténuer les risques et saisir de nouvelles opportunités qui se présentent, assurant ainsi une stabilité et une croissance continues à l’entreprise.
L’agilité stratégique est donc indispensable. Elle permet à l’entreprise de manœuvrer avec précision et de s’ajuster rapidement aux nouvelles tendances et technologies, ce qui est crucial dans un monde où les changements s’opèrent à une vitesse vertigineuse.
UN ECHEC ENTREPRENEURIAL CELEBRE
KODAK
Kodak est devenu un exemple classique de ce qui arrive lorsqu’une entreprise échoue à embrasser le risque et à innover face au changement. L’incapacité de Kodak à sortir de sa zone de confort et à investir dans de nouvelles technologies a finalement conduit à son déclin et à sa faillite en 2012. Cela sert de leçon puissante pour les entrepreneurs sur l’importance de l’adaptabilité et de la volonté de prendre des risques calculés pour évoluer avec les temps et les technologies émergentes.
Kodak était le N°1 de la photographie. L’entreprise a échoué à s’adapter à un environnement technologique en mutation rapide.
Ayant assumé la responsabilité de la direction du Cinéma et de la Télévision pour les marchés européens et indiens plus de 10 ans, Voici une analyse concise des raisons de sa faillite dans le contexte de l’innovation et de la prise de risque :
- Incapacité à s’adapter à la révolution numérique : Même si Kodak a inventé la première caméra numérique en 1975, l’entreprise a hésité à développer la technologie de peur de cannibaliser son marché florissant des films photographiques. Cette aversion au risque a empêché Kodak de capitaliser sur l’innovation numérique et de se positionner comme leader sur ce nouveau marché.
- Attachement au modèle d’affaires existant : Kodak tirait une grande partie de ses revenus de la vente de films et de produits photographiques. Cet attachement à son modèle économique traditionnel a entravé sa capacité à pivoter vers des modèles numériques plus durables. Kodak percevait le numérique comme une menace plutôt qu’une opportunité.
- Manque de vision à long terme : La direction de Kodak a manqué de la vision à long terme nécessaire pour prévoir l’impact du numérique sur l’industrie de la photographie. Au lieu de cela, l’entreprise a continué à se concentrer sur des améliorations incrémentielles de ses produits existants plutôt que d’explorer de nouveaux horizons.
- Réponse lente à la concurrence : Lorsque d’autres entreprises, comme Canon et Nikon, ont commencé à investir massivement dans la technologie numérique, Kodak n’a pas réagi avec suffisamment d’urgence ou d’innovation pour maintenir sa position de leader sur le marché.
- Perte de sa place de marché : Kodak a sous-estimé l’appétit du consommateur pour le numérique et la rapidité avec laquelle le marché passerait des appareils photo traditionnels aux appareils numériques et aux smartphones avec appareils photo intégrés. Cette perte de contact avec les tendances de consommation a précipité la perte de l’entreprise.
La tragédie de Kodak
Le conflit du « business model ».
L’innovation et la rupture sont bien souvent une question de modèle d’affaires. Pour mieux appréhender cette notion complexe, intéressons-nous au cas de l’entreprise Kodak.
L’échec de Kodak n’est dû ni au changement trop rapide, ni au manque de vision, ni au manque d’exécution, ni au manque de ressources. Alors à quoi est-il dû ?
Et bien la raison est liée au business model de l’entreprise. Rappelez-vous, nous avons vu que la rupture est une question de modèle d’affaires et non pas de technologie.
Un Business Model encombrant.
Regardons donc le Business Model de Kodak, disons en 1995. Pourquoi 1995 ? Parce-que c’est le début de la révolution numérique et que c’est là que se prennent les décisions qui vont décider ou non de la réussite sur ce marché naissant. Le moment est donc crucial. Les premiers appareils ont été lancés, et plus personne n’ignore cette rupture.
Maintenant, étudions comment Kodak gagne de l’argent dans l’argentique ? En vendant des films valant quelques euros sur lesquels la marge est très élevée. Il s’agit de consommables, achetés régulièrement par les consommateurs et vendus au travers d’un réseau de détaillants comme des supermarchés ou des bureaux de tabac. Pour réussir, Kodak dispose de ressources-clés, comme des laboratoires de recherche, des usines de films et un réseau de laboratoires de développement de films pour ses clients. Ses compétences-clés sont autour de la chimie. Ses concurrents sont des entreprises comme Fuji ou Agfa.
Un modèle numérique en contradiction
Maintenant que nous avons observé le business model de Kodak dans l’argentique, regardons le modèle du numérique.
Comment Kodak gagne-t-elle de l’argent dans le numérique ? En vendant un appareil valant, à l’époque, plusieurs milliers d’euros et sur lequel l’entreprise ne fait qu’une faible marge. En raison du prix, l’appareil est vendu par des détaillants spécialisés. Pour réussir, Kodak doit disposer de ressources-clés qui sont une usine d’appareils photos. Ses compétences-clés sont l’électronique et le logiciel. Ses concurrents sont Nikon et Canon, par exemple.
Qu’est-ce que nous voyons ici ? Les deux modèles n’ont rien à voir. Rien de ce qui fait la force de Kodak dans l’argentique n’est utile dans le numérique. Tout ce qui est nécessaire pour réussir dans le numérique est nouveau pour Kodak. C’est en ce sens que le numérique est disruptif pour Kodak : il nécessite un modèle d’affaires entièrement différent du modèle de son activité actuelle.
Autrement dit, dans le numérique, Kodak n’est qu’un débutant parmi d’autres. Les compteurs sont remis à zéro.
Deux business model conflictuels
Mais en outre il y a conflit. Tout investissement dans l’un des deux modèles est inutile pour l’autre modèle. Or il faut bien choisir où l’investissement doit aller. Si on recrute un informaticien, on ne recrute pas un chimiste. Plus généralement, tout investissement dans l’un se fera aux dépends d’un investissement dans l’autre. C’est vrai pour toutes les unités d’affaires, mais ici ce conflit classique est rendu encore plus difficile parce que l’un des deux, le numérique, est très éloigné du cœur d’activité actuel. « Ce n’est pas nous » en quelque sorte.
Il faut noter que pour les fabricants d’appareils argentiques comme Canon, le numérique n’est pas une rupture : introduire un appareil numérique nécessite un fort investissement technologique, mais ne modifie pas le modèle d’affaire des fabricants. Ils continuent à vendre des appareils.
Le numérique est donc disruptif pour Kodak qui a bâti son « business model » sur la vente de pellicules photographiques, mais pas pour Canon.