Déléguer sans abandonner
Déléguer est pour beaucoup un but; l'un de ceux que l'on formule aux premiers mois du développement de l'entreprise, lorsque tout est à faire et qu'on est seul à le faire. Vendre, acheter, inventer, penser, organiser, compter, communiquer, se défendre - l'entrepreneur du début est un hyperactif multi-casquettes. Aussi, quand vient le temps de constituer une équipe, avec des renforts spécialisés qui complètent et allègent, la mise en roue libre sur certains sujets en arrange plus d'un...
Les vertus à déléguer
Déléguer, c'est un concept qui s'entend bien avec « confiance ». L'un ne va pas sans l'autre, devrait-on même dire. On délègue donc logiquement, parce qu'on sait qu'il est possible de le faire, et que ceux qui reçoivent cette nouvelle responsabilité sont les mieux placés pour l'endosser. Mais si déléguer a de multiples vertus - s'alléger d'une charge de travail que d'autres feront plus vite et mieux, dégager des plages de temps libre pour réfléchir ou se reposer, s'entourer de personnes inspirantes et motivantes, partager un quotidien que la solitude rendait difficile -, il y a un vrai danger à tomber dans le travers d'un abandon sans contrôle.
Car abandonner, plus que déléguer, c'est prendre le risque de perdre la bonne compréhension des sujets et ne plus être ainsi en mesure de décider. En déléguant sans revue régulière ni contrôle, on abandonne la connaissance et, avec elle, la possibilité d'émettre un avis éclairé ou de pouvoir argumenter face aux contradicteurs. Mais on abandonne aussi et surtout le pouvoir que « détenir l'information » confère.
Les risques de l'abandon
Pensez au risque que le commercial fait courir à l'entreprise, en étant le seul et unique point de contact avec les clients; ou bien le développeur Web à qui l'on a confié le développement de la plate-forme sans y comprendre quoi que ce soit; ou enfin le directeur financier auquel on ne demande aucun compte sur la position de la trésorerie, les choix de placement ou encore les positions prises sur le plan comptable.
Responsabilisés à l'extrême, ils représentent un vrai danger de contre-pouvoir - ils ont désormais les clefs que vous n'avez plus - et d'appauvrissement en cas de départ de l'entreprise, car ils partent alors avec l'information.
Il y a évidemment bien d'autres risques à l'abandon : découvrir trop tard les prises de risque inconsidérées ou les erreurs, et faire face au coût maximum de leur résolution; perdre la vision collective, chacun travaillant et décidant en fonction de ses propres intérêts ou aspirations; risquer la division des collaborateurs, engagés dans des luttes intestines pour s'octroyer le périmètre de responsabilité d'un autre; ou encore prendre des engagements vis-à-vis de tiers extérieurs à l'entreprise, sans avoir une juste connaissance de la capacité des équipes à y répondre.
Abandonner plus que déléguer, c'est donc peu à peu se couper de la vie de son entreprise. C'est un patron par le statut, entouré des seuls vrais patrons de l'entreprise : les collaborateurs. Un patron bien fragile finalement.
À RETENIR
· Plus on délègue, plus les échanges avec les collaborateurs responsables doivent être fréquents, précis et synthétiques.· Déléguer, c'est passer du « tout faire »au « tout savoir ».· Quand on délègue à l'excès, c'estson autorité et sa capacité de décision que l'on abandonne.