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Cap Développement Conseil

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L'urgence de sauver l'humanité du changement climatique


Pour lutter contre le changement climatique, les politiques agissent par la loi ou par la taxe. Une autre piste réside dans le vieux droit maritime.

 

Le droit maritime accorde à l’avarie un sens beaucoup plus large

La notion d’avarie maritime intègre non seulement les dommages matériels au navire et à sa cargaison, mais aussi et surtout certaines dépenses accidentelles engagées pendant le voyage en faveur du navire et/ou de sa cargaison.

Cette nuit-là, la tempête était effroyable. Lourdement chargé de soieries, de cotonnades, d'épices et de blocs de marbre, le trois-mâts avançait de plus en plus difficilement entre des montagnes d'eau. Le navire craquait de partout, menaçant de rompre à tout instant. La seule solution pour espérer sortir de cet enfer était évidente : il fallait s'alléger à tout prix.

Le capitaine donna alors quelques ordres brefs. La moitié des ballots de tissu furent jetés à la mer, ainsi que quelques blocs de pierre chargés au dernier moment, plus accessibles car ils n'étaient pas en fond de cale. Devenue plus facile à manœuvrer, l'embarcation résista aux éléments déchaînés.

Arrivé au port, hagard mais heureux d'être en vie, l'équipage fit le décompte des pertes pour déterminer la facture. Car selon un vieux principe du droit maritime, les propriétaires des marchandises jetées à la mer ne sont pas les seuls à devoir subir les frais du sauvetage. Face à un danger commun, tous doivent payer.

La clé de répartition est simple : c'est la valeur des biens transportés. Si le quart de ces richesses est perdu, alors chaque détenteur de marchandises doit perdre le quart de ce qu'il avait dans l'embarcation. Le négociant des épices récupère ses poudres, mais il verse 20 % de leur valeur pour indemniser ceux qui transportaient tissus et marbre.

 

Les bases juridiques

Durant l’Antiquité, des routes commerciales furent bien établies pour accéder à des ressources (sel, différents métaux) et trois solutions apparurent pour accéder à une route maritime : Partage de la route avec d’autres puissances, Évincement du concurrent grâce à une flotte maritime pour s’imposer sur cette route, Possibilité de créer de nouvelles routes maritimes ce qui a nécessité de lancer des expéditions maritimes pour découvrir des territoires nouveaux. La mer devint un espace géostratégique majeur en raison des enjeux économiques et militaires extrêmement importants. Les civilisations dominantes qui avaient accès à la mer développèrent progressivement un droit pour dominer la maîtrise des flux.  Le droit maritime se développe dans le port de Rhodes, qui était d’abord un port de culture phénicienne avant de devenir grec et qui était réputé pour abriter le colosse de Rhodes. Le port de Rhodes est alors un ‘Emporion’, terme qui désigne un port de commerce et qui par extension indique un négociant au long cours. À Rhodes, des usages communs permettent d’identifier deux mécanismes, qui vont devenir fondamentaux dans la culture maritime : ‘Le jet à la mer’ : principe du partage pour les pertes occasionnées en mer ‘Le prêt nautique’ : remboursement entre un bailleur de fonds et un marchand en fonction du succès de l’expédition Ces deux piliers constituent la ‘loi rhodienne’ qui traite essentiellement de l’obligation imposée à tous les chargeurs de contribuer à la perte des marchandises jetées à la mer. Ce sont les bases juridiques du sauvetage en mer puisque l’accès à la mer a rapidement introduit le problème du sauvetage des biens avant le secours aux personnes. 

Indemniser les perdants : le principe de solidarité

Déjà en Grèce Antique, la loi rhodienne (III° siècle av J.C) qui s’appliquait pour les usages en mer, accordait une récompense en fonction des dangers encourus par les sauveteurs car l’article 44 énonçait que « Celui qui sauvera quelques objets provenant d’un naufrage recevra 1/5 de leur valeur en prime » 

En reprenant la situation de notre capitaine du navire face à un évènement de mer, il devait ordonner d’alléger le bateau afin de réaliser correctement ses manœuvres. La question était de savoir quelles marchandises pouvaient être jetées par-dessus bord ? 

Les Rhodiens considéraient que ces pertes occasionnées ne devaient pas être supportées exclusivement par le seul propriétaire des marchandises. Les pratiques en mer donnèrent donc naissance au principe de solidarité car les pertes devaient être assumées par tous. 

Cette solidarité était obligatoire à la condition que le péril soit commun. La solidarité est un mécanisme générique et fédérateur et plus généralement un principe juridique qui deviendra le régime des avaries communes sous l’ancien droit maritime français.

Or il y a aujourd'hui un péril commun qui menace de faire chavirer l'humanité entière : le changement climatique. Une équipe de chercheurs  propose  d'appliquer cette règle à la politique d'action contre le changement climatique dans un petit livre collectif publié à l'issue d'un colloque*.

Actuellement, deux grandes politiques sont menées pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. La première est la réglementation, par exemple sur les voitures et les logements. Elle pose un problème majeur d'efficacité, car l'effort porte alors souvent non là où il réduirait le plus les émissions de CO2, mais là où il est le moins difficile à décider.

La règle des « avaries communes »

La deuxième politique, préférée par beaucoup d'économistes, est la taxation du carbone. Mais elle a un autre défaut. Quand elle est efficace, elle est injuste car elle frappe d'abord les plus défavorisés. L'épisode des « gilets jaunes » l'a mis en lumière. Et quand les pouvoirs publics compensent en faveur des perdants les plus démunis, elle devient moins efficace.

Avec la règle des « avaries communes », chacun paie à proportion des richesses perdues. La politique peut donc être à la fois efficace et équitable. L'intérêt de ce dispositif peut être démontré, en prenant comme un exemple local, les zones à faibles émissions (ZFE) que la loi rend obligatoire dans les grandes villes françaises en 2024.

Suivant notre exemple, lorsqu’un navire est en danger, le capitaine est autorisé par les usages maritimes à jeter à la mer une partie de la cargaison. Si le navire parvient à être sauvé et remorqué au port, le dommage subi par les propriétaires des marchandises doit être réparé par tous ceux qui ont profité du sacrifice fait dans l’intérêt commun. On parle désormais d’une ‘avarie commune’, parce qu’elle est supportée en commun et que chacun doit y contribuer en proportion de la valeur vénale des objets jetés et non du bénéfice éventuel. On pourrait donc retenir que l’avarie commune est une règle exclusive du droit maritime, qui a pour but de répartir entre les propriétaires du navire et de la cargaison, les sacrifices (dommages ou dépenses), résultant de mesures volontairement, raisonnablement et utilement prises par le capitaine d’un navire pour le salut commun lors d’un voyage.

Risque de procrastination

Dans les ZFE, un seul acteur est mis à contribution : le propriétaire de voiture qui doit acheter un véhicule moins polluant. Or ce sont les habitants de la ville concernée qui profitent de la baisse des émissions. Ils gagnent en qualité de vie, voire en longévité. Le principe des avaries communes voudrait qu'ils contribuent à l'amélioration, surtout s'ils sont propriétaires de leur logement. Cette contribution pourrait servir non seulement à remplacer des voitures mais aussi à développer des moyens de transport plus propres.

Ce n'est bien sûr qu'une ébauche. La piste des avaries communes pose une série de questions. D'abord, l'urgence de l'humanité dans le changement climatique n'est pas la même que celle du navire dans la tempête. Dans un cas, le danger du naufrage est imminent. Dans l'autre, le danger s’étire sur des décennies. Cette « urgence longue » pousse à la procrastination.


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