Finir derrière les barreaux ?
C'est un risque auquel les chefs d'entreprise doivent de plus en plus se préparer. « Le risque pénal des dirigeants d'entreprise s'est alourdi ces dernières années pour trois principales raisons. Tout d'abord parce que plusieurs réformes législatives, comme la loi Sapin II, sont venues accroître les obligations ou les sanctions. Ensuite parce que la jurisprudence montre que les tribunaux ne font pas preuve de mansuétude vis-à-vis des chefs d'entreprise, en particulier lorsqu'il y a un élément intentionnel. Enfin, parce que les délais de prescription pénale sont récemment passés de trois à six ans, avec un maximum de douze dans certains cas. Surtout, l'état d'esprit a changé. « Dans le passé, les entreprises pouvaient laver leur linge sale en famille, mais aussi aujourd'hui plus rien ne reste dissimulé... Les mentalités ont évolué, et le dispositif des lanceurs d'alerte fait que, lorsqu'une infraction est commise dans une entreprise, cela finit par sortir au grand jour.
Depuis le 1er janvier 2018, les entreprises d'au moins 50 salariés sont, en effet, dans l' obligation de recueillir les signalements émanant de leurs salariés et collaborateurs.
Un risque accru en France
Difficile, aujourd'hui, de savoir combien d'entrepreneurs et de chefs d'entreprise sont concernés, car les seules données centralisées sont issues du casier judiciaire et les fonctions n'y sont pas mentionnées. « Les infractions pénales liées à la vie 'normale' de l'entreprise sont courantes : blessures sur le lieu de travail, risques psychosociaux, etc. Le droit pénal de l'entreprise prévoit beaucoup d'infractions, depuis un mauvais étiquetage jusqu'à la qualité des produits, mais il est quand même rare que cela aboutisse à un emprisonnement ferme. C'est beaucoup plus courant pour des faits frauduleux : escroqueries, blanchiment, etc.
Le récent Indice européen de la responsabilité pénale des dirigeants et des entreprises montre que, au regard de 6 critères, la France se situe aujourd'hui dans la moyenne européenne en matière de risque pénal, loin derrière la Grande-Bretagne. L'allongement des délais de prescription a accru le risque en France, mais les dirigeants français peuvent s'exonérer de certains risques grâce à des délégations de pouvoir . Mais la personne morale peut aussi être condamnée au pénal en France, ce qui n'est pas possible, par exemple, en Allemagne. Si la personne morale est condamnée, les conséquences peuvent être très lourdes : impossibilité de participer à des appels d'offres, d'émettre des chèques, etc. Sans oublier que les amendes éventuelles, voire les dommages et intérêts peuvent être beaucoup plus lourds...
S'organiser pour prévenir les risques
Les entreprises d’au moins 50 salariés devront avoir mis en place une procédure destinée à recueillir les signalements émanant de leurs salariés et de leurs collaborateurs.
La loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a créé, pour les entreprises d’au moins 50 salariés, l’obligation d’instaurer une procédure permettant de recueillir les signalements de leurs salariés et de leurs collaborateurs extérieurs et occasionnels. Cette obligation est entrée en vigueur le 1er janvier 2018.
Alors comment se prémunir face à ce risque croissant ?
Les dirigeants ne doivent pas faire de la cosmétique. Il faut véritablement organiser la chaîne de responsabilités et la gouvernance de l'entreprise pour traiter le risque en profondeur, comme un risque d'entreprise, à travers une approche globale. Les responsables des risques doivent pouvoir rassurer les dirigeants sur leur responsabilité pénale : on maîtrise aujourd'hui les outils, mais il faut mettre en place des formations et organiser les réponses de l'entreprise...
Précision : les salariés et collaborateurs concernés, appelés les « lanceurs d’alerte », sont ceux qui révèlent ou signalent, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime, un délit ou bien encore une violation grave et manifeste de la loi dont ils ont eu personnellement connaissance.
Il appartiendra à l’employeur d’élaborer la procédure de recueil des signalements. Et celle-ci devra prévoir les modalités selon lesquelles le lanceur d’alerte :
- adresse son signalement au supérieur hiérarchique, direct ou indirect, à l’employeur ou au référent désigné par l’entreprise ;
- fournit les faits, informations ou documents qui s’y rapportent, quel que soit leur forme ou leur support ;
- fournit les éléments permettant, le cas échéant, un échange avec le destinataire du signalement.
À savoir : le référent désigné par l’employeur pourra être interne ou externe à l’entreprise. Il pourra s’agir d’une personne physique ou bien d’une entité de droit public ou de droit privé. Quel qu’il soit, il devra disposer, par son positionnement, de la compétence, de l’autorité et des moyens suffisants pour exercer ses missions.
En outre, la procédure devra notamment préciser les mesures prises par l’entreprise pour informer sans délai le salarié ou le collaborateur de la réception de son signalement, pour garantir sa stricte confidentialité ou encore pour détruire les éléments du signalement permettant l’identification de son auteur lorsqu’aucune suite ne sera donnée au dossier.
Important : cette procédure devra être diffusée au personnel de l’entreprise ainsi qu’à ses collaborateurs par tout moyen, c’est-à-dire par affichage, par mail ou encore via sa publication sur le site Internet de l’entreprise.