Le principe de subsidiarité appliqué au management
La définition de la subsidiarité est assez simple en théorie : le principe de subsidiarité propose qu'une autorité centrale ne puisse effectuer que les tâches qui ne peuvent pas être réalisées à l'échelon inférieur. Ce principe propose ainsi de renverser la délégation: ce n'est plus le dirigeant qui délègue à la base certaines décisions ou certains projets, mais le contraire. C'est lorsqu'une situation excède les compétences d'une entité qu'elle est transmise à un échelon hiérarchique supérieur. Ainsi, toute responsabilité doit être assumée par ceux qui sont confrontés à la problématique à résoudre. La responsabilité de la décision est ainsi mise au plus proche du terrain.
L'Institut Montalembert définit clairement les principes d'action nécessaires au développement de la subsidiarité : l'échelon supérieur s'interdit toute tâche que peut accomplir par lui-même l'échelon inférieur (principe de compétence) ; l'échelon supérieur doit soutenir (si besoin) et peut aider l'échelon inférieur (principe de secours) ; l'échelon supérieur peut remplacer exceptionnellement et de manière limitée dans le temps l'échelon inférieur, en cas de défaillance ou de grave insuffisance (principe de suppléance).
Plus d'autonomie et de responsabilité
Le principe de subsidiarité trouve son origine dans la pensée de saint Thomas d'Aquin et a été notamment intégré au texte fondateur de la doctrine sociale de l'Eglise catholique. Au coeur du fonctionnement de nos institutions européennes, il a été utilisé dans le contexte de l'entreprise à partir des années 1980, et est désormais érigé en principe de gouvernance dans certaines entreprises française, comme les groupes Danone, Daher ou les entreprises du groupe Mulliez.
Ce mode de fonctionnement est intimement lié à l'existence, dans l'entreprise, de valeurs fortes et d'une vision partagée, pour que chacun puisse se sentir responsable. Cette logique de subsidiarité propose en effet de passer du top-down au bottom-up, ce qui est une petite révolution de nos pratiques traditionnelles.
C'est une organisation qui développe l'autonomie et la créativité de chacun et peut répondre à certaines attentes des salariés : être mieux formés, plus autonomes, plus responsables et contributeurs, acteurs de la réussite de leur entreprise.
Les expérimentations de la subsidiarité sont très intéressantes à observer, car elles prennent appui à la fois sur l'autonomie individuelle de chaque salarié, et sur la construction d'un collectif solide. La polarité individuel/collectif est ainsi conciliée. La subsidiarité est ainsi prioritairement une question de confiance, de croyance en la capacité de chacun à être responsable et à devenir ambitieux. C'est l'empowerment de chaque salarié et une nouvelle manière d'appréhender le leadership et le management : les dirigeants et les managers passent d'experts et décideurs à facilitateurs, accompagnateurs, porteurs de sens et de confiance.
Changer la culture managériale
Si vous souhaitez mettre en oeuvre la subsidiarité dans votre entreprise ou tout au moins lancer un processus de libération de l’organisation traditionnelle hiérarchique , retenez trois préalables incontournables : l'activation concrète des leviers de l'autonomie et de la confiance, de la responsabilisation et de la coopération - l'objectif étant de libérer « l'énergie créatrice » de chacun, au service du collectif ; l'implication personnelle très forte du dirigeant, qui a non seulement travaillé sur lui et son ego pour gagner cette capacité exceptionnelle de lâcher-prise, mais a aussi porté et impulsé sa volonté de faire et de profondément transformer l'organisation du travail dans son entreprise ; la formation et l'accompagnement de l'ensemble des équipes dirigeantes et de management, dont le rôle se trouve totalement renversé et bousculé par le principe de subsidiarité.
Il s'agit d'une transformation importante de la culture managériale, qui nécessite de la part du dirigeant et de toute son équipe de management une capacité exceptionnelle de remise en cause de leurs habitudes et croyances.
Prenez en compte aussi les leviers à activer pour inverser la pyramide des décisions: la qualité de l'information, afin que les collaborateurs comprennent bien quel est leur champ de responsabilité ; la validation de l'adhésion, afin que les collaborateurs confirment bien leur acceptation de cette responsabilité et s'y engagent (tous ne s'y retrouveront pas !) ; la vérification et le suivi de la montée en compétences (formation, accompagnement, coaching…), afin que les collaborateurs soient en capacité de prendre les décisions et de trouver leur équilibre dans un mode de fonctionnement inversé.
Ce texte est extrait de l’ ouvrage de Frédérique Jeske : « Le Guide du dirigeant responsable », paru chez Diateino, 384 pages, 25 euros.