Avec discernement et sens du jugement
Faire des choix libres, cohérents et éclairés nécessite un processus plaçant la finalité au coeur de la décision, qui dépasse la simple analyse rationnelle. Face à la complexité, l'intuition sans discernement ne suffit pas pour guider le décideur.
Si la décision est à la fois le résultat d'un choix (le « quoi ») et un processus décisionnel (le « comment »), le sens de la décision, le « pour quoi » est une dimension qui fait parfois défaut dans l'étude comme dans l'exercice de la décision. Il est en effet plus courant d'exposer a posteriori les raisons d'une décision, le « pourquoi », que d'en partager en amont le sens, le « pour quoi ». Cependant il y a une différence entre justifier une décision en la rationalisant et prendre une décision qui a du sens au nom d'une finalité claire. (…)
Dans le contexte professionnel, le processus décisionnel est souvent assimilé à une démarche de résolution de problèmes reposant sur l'analyse des causes et l'identification de solutions pour y remédier. Cependant, face à la complexité, cette dimension de la prise de décision ne suffit pas.
Prendre des décisions qui ont du sens nécessite de décider avec discernement dans le cadre d'un questionnement centré sur la finalité.
Qu'est-ce que discerner ? Le verbe discerner provient du latin discernere - distinguer, percevoir, voir séparément - et signifie1 : « Se rendre compte précisément de la nature, de la valeur de quelque chose, faire la distinction entre des choses mêlées, confondues. »
Discerner consiste donc à considérer séparément les différents éléments d'une situation, en distinguant notamment les aspects objectifs (faits, parties prenantes, enjeux, causes, contraintes, options, conséquences, ressources…) des aspects subjectifs liés au décideur et aux parties prenantes (perceptions, pensées, préoccupations, émotions - aversions ou attractions - besoins), pour mieux les intégrer au processus de décision.
Le discernement permet ainsi au décideur de sortir de la confusion et de voir clair pour mieux poser les choix qui le rapprocheront de sa finalité, en étant conscient des enjeux et des personnes concernées.
Discerner avant d'exercer son jugement
La capacité de discernement est parfois associée au jugement. Ne dit-on pas d'une personne qu'elle fait preuve, ou, au contraire, qu'elle manque de jugement ? Le jugement est défini comme1 « l'exercice d'une faculté de l'esprit de bien juger des choses qui ne font pas l'objet d'une connaissance immédiate certaine ». Il fait référence à une réflexion et à une évaluation qui, pour être éclairée, devra s'appuyer sur un discernement préalable.
Comme le souligne René Descartes, il est en effet nécessaire de voir une situation avec clarté avant d'en juger : « C'est en moi une imperfection, […] que je donne témérairement mon jugement, sur des choses que je ne conçois qu'avec obscurité et confusion. […] Si je m'abstiens de donner mon jugement sur une chose, lorsque je ne la conçois pas avec assez de clarté et de distinction, il est évident que j'en use fort bien. »
Ainsi en cultivant son discernement, le décideur développe la qualité de son jugement et sa capacité à poser des choix :
· cohérents avec une finalité, une raison d'être, et des valeurs, qui donnent un sens à la décision ;
· libres des biais inconscients - cognitifs et émotionnels - pouvant influencer ses perceptions ;
· éclairés, s'appuyant sur un questionnement et sur une écoute de son ressenti en intégrant les aspects rationnels, émotionnels et éthiques, dans une relation juste aux parties prenantes.
Un processus qui engage toute la personne
Décider avec discernement implique un questionnement qui stimule à la fois la réflexion à partir des différents éléments de la situation et l'observation des mouvements intérieurs (ressenti) du décideur pour mieux les intégrer à son choix. Dans ce processus qui nécessite une prise de recul et une disponibilité intérieure, le décideur engage toute sa personne à partir de ses centres d'intelligence :
· l'intelligence intellectuelle, pour distinguer les aspects rationnels de la situation et les intégrer avec rigueur et objectivité à la réflexion ;
· l'intelligence émotionnelle, pour accueillir et reconnaître les émotions et besoins stimulés - les siens et ceux des autres ;
· l'intelligence somatique, pour ressentir et reconnaître les sensations (mouvements intérieurs) éprouvées dans la situation : ouverture, sérénité, calme intérieur ou au contraire malaise, tension, fermeture ;
· l'intelligence spirituelle, pour se connecter à son intériorité et à ses aspirations fondamentales, et évaluer la cohérence de ses choix au regard de sa finalité.