La solidité du modèle économique
Plus l'environnement est difficile, volatil et imprévisible, plus les business models doivent être solides. La robustesse d'un bateau se mesure à sa capacité à naviguer dans différentes conditions de mer sans dommage et en atteignant la destination. Le parallèle est tentant pour le (les) modèle(s) d'activité d'une entreprise.
Un business model doit avoir un cap, un focus. C'est la première et la plus essentielle des conditions de sa solidité. La proposition de valeur aux clients (la promesse) a été posée comme étant la manière la plus pertinente de définir ce focus. L'utilité est le cap de la création de valeur. C'est en créant cette utilité pour les clients qu'une activité, selon son modèle de revenu, pourra capter le maximum de valeur (…).
Cette manière de déterminer un focus est en pleine phase avec une économie de plus en plus centrée sur la fonctionnalité. Les services dominent l'économie. Des activités sont capables de se déployer sans support matériel. Une chaîne d'usage remplace les seules transactions et propriétés de biens. Cela permet une diversité accrue de propositions allant de la fonctionnalité épurée (type low cost) aux valorisations intangibles des réseaux sociaux. Plus que jamais, il faut situer l'orientation d'un modèle au sein de cette palette riche de possibles. (…)
Les nouveaux business models demandent des raisonnements à géométrie variable. Il s'agit à chaque fois de trouver la bonne combinaison (le bon mix) entre les leviers de l'action. Des organisations en unités plus petites et plus multiples constituent une conséquence qui se dégage actuellement pour de nombreuses entreprises. (…) Il faut prêter une attention accrue aux nouvelles sources de créativité, à l'exemple des manières de monétiser. Les modèles à base d'abonnement et/ou de facturation à l'usage sont de plus en plus fréquents. Ils permettent une meilleure résilience du revenu, mais peuvent modifier profondément l'équation économique sur l'ingénierie des coûts et la gestion de trésorerie. Les chaînes de valeur doivent de plus en plus concilier la recherche d'effets de volume et le besoin d'agilité. Ces thèmes sont au coeur de constructions nouvelles et plus diverses. Celles-ci valorisent de façon positive des esprits entrepreneuriaux.
Les rôles du dirigeant
La limite d'une approche système et d'une modélisation serait d'oublier le rôle clef des acteurs. Un business model ne se réduit pas à une logique mécaniste. C'est aussi, et surtout, le produit de convictions, de circonstances, de rencontres entre des acteurs et une situation. Le style des dirigeants et des acteurs clefs fait partie du business model. On peut déterminer trois rôles clefs pour les dirigeants : être architecte du (des) business model(s), se situer comme garant du lien entre vue globale et action locale, piloter la performance et l'agilité.
Être architecte d'un business model, c'est concevoir une construction économique mouvante. C'est assembler les composantes de l'action avec patience et une préoccupation de cohérence et de singularité. C'est associer le plus largement possible les acteurs du système d'action à cette préoccupation. L'architecture d'une activité économique se construit avec une interaction constante entre conception et action. La construction se fait par un dosage entre expérimentation et prise de risque. Un business model établi demande constamment des renforcements. Le rôle du dirigeant est, de ce point de vue, d'être en veille permanente pour absorber les signaux qui peuvent questionner la solidité du modèle.
Dans une approche plus culturelle que technique, sa qualité d'écoute est essentielle. Le temps consacré à l'écoute directe des clients et des collaborateurs est notamment un indicateur précieux de la capacité de validation et de questionnement de la promesse du modèle. L'architecture du modèle doit également être soucieuse de ses capacités d'extension. L'anticipation des évolutions de territoires et la préparation des ressources prennent donc également une place importante dans l'agenda du dirigeant.
En se situant comme garant du lien entre global et détail, le dirigeant permet de donner du sens à l'action, de rappeler en tous lieux et à tous moments la force de la vision et de la promesse du modèle. Favoriser l'intelligence du système d'action et se centrer sur la création de liens permet une mise en perspective de l'ensemble des leviers et une orientation pertinente de l'énergie. Cette approche accroît également la capacité de décision autonome et le développement des acteurs.
La capacité d'allers et de retours permanents entre sens et action, entre prospective et pragmatisme, entre vue globale et performance locale, apparaît comme la compétence première et essentielle que doit avoir tout dirigeant. Être à l'aise sur les deux registres et ne pas privilégier l'un au détriment de l'autre est un mode cognitif et comportemental qui demande une conscience et un développement continus.
Pour la bonne conduite d'un business model, le dirigeant est enfin pilote de sa performance et de son agilité. En rendant explicite le modèle et les leviers de la création de valeur, en proposant les indicateurs pertinents de conduite et de performance finale, il anime et met en énergie. Il initie également la condition clef de survie de tout business model : la capacité d'apprentissage permanent.
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